Dis-moi qui tu es et je te dirai ce que tu as mangé!
Dis-moi qui tu es et je te dirai ce que tu as mangé…
PARTIE 1
Depuis le temps que j’exerce mon métier de nutritionniste équin j’ai toujours été interloquée par les différences de besoins entre chevaux de même gabarit, effectuant les mêmes efforts (que ce soit en haut niveau ou en loisir). Pour quelles raisons Pompom1 a besoin de très peu d’aliment concentré pour produire un effort sportif alors que Pompom2, lui, doit ingérer des quantités énormes de concentrés pour rester en état ? La réponse : l’environnement et l’état de bien-être.
La recherche en nutrition équine s’intéresse, en activité sportive, aux dépenses caloriques liées à l’intensité et la longueur de l’effort et adapte les besoins nutritionnels en conséquence.
❓Mais comment mesurer l’impact du mal-être et de la douleur sur l’état nutritionnel ?
Ce que je sais c’est qu’aucune IA au monde ne pourra observer un cheval, lire son histoire et savoir comment cette histoire impactera son état physique et émotionnel. Car la nutrition ce n’est pas qu’un calcul théorique de calories, de protéines et d’oligoéléments. Notre travail c’est d’écouter une histoire, de comprendre ce qu’a traversé le cheval, ce qu’il traverse encore et comment aider son corps à passer au-delà de toutes ces accumulations d’une vie.
? Le peu d'études scientifiques suggère que le régime alimentaire et l’environnement peuvent affecter le comportement à travers une altération de la fonction digestive. Le régime alimentaire influence aussi bien les comportements anormaux que normaux. De plus, l’état émotionnel et corporel du cheval est largement influencé par ses conditions de vie.
Lorsque l'homme a domestiqué le cheval, le gardant dans des espaces restreints, lui donnant une alimentation pauvre en fourrages, non conforme à sa physiologie et l'utilisant pour son plaisir et son profit, il est devenu responsable de son bien-être. La plupart des chevaux en bonne santé dont nous nous occupons semblent n’avoir ni soif, ni faim, mais nous leur causons peur, détresse, blessures et douleur. Certains ne sont pas libres d'exprimer nombre de leurs comportements naturels.
?Pour quelles raisons je dis « semblent n’avoir ni soif, ni faim » ? Parce que la faim n’est pas toujours caractérisée par de la maigreur. Le cheval est génétiquement programmé pour stocker quand son régime alimentaire est réduit drastiquement.
- ? Quid de tous ces chevaux sur des prés rasés qui n’ont pas de foin en complément car ils sont visuellement trop gros ?
- ? Quid de tous ces chevaux au box qui à 20h ont fini leur maigre tas de foin et resteront l’estomac vide jusqu’au lendemain matin ? pourtant ils sont en état car ils avalent 10 L de granulés/jour.
- ? Quid de tous ces chevaux « ronds » dans les écuries qui voient leur portion de foin réduite parce qu’ils sont gros mais à qui on continue de distribuer 4 à 6 L de granulés (parce que oui c’est bien connu que le granulé fait sauter plus haut, dresser mieux et galoper plus vite alors que le foin ne sert qu’à faire un gros ventre).
Des observations cliniques ont montré que les chevaux souffrants, craintifs ou en détresse, malades, peuvent ne pas consommer suffisamment de nourriture, et certains deviennent anorexiques ou au contraire peuvent développer des comportements boulimiques par peur de manquer. Quelle que soit la discipline équestre, un cheval peut être surmené physiquement et mentalement. Le stress physique et psychologique dû à un entraînement excessif ou non progressif, à un équipement inapproprié, à un environnement inadapté et à une ration alimentaire inadaptée peut engendrer de la peur, de la dépression, une détresse chronique et, par conséquent, une perte d'appétit suivies de pathologies immunitaires profondes.
Je ne compte plus les bilans nutritionnels où c’est la douleur qui impacte le plus l’état corporel et la performance, où l’ennui profond altère l’immunité, où le simple fait d’être cheval domestique est déjà trop.
➡️donc si votre équidé semble perdu dans son corps, perdu dans ses émotions, enchaîne pathologie sur pathologie, penchez-vous sur le régime alimentaire mais aussi et surtout sur ses conditions de vie.
PARTIE 2
Le peu d'études scientifiques disponibles suggère que le régime alimentaire et l’environnement peuvent affecter le comportement à travers une altération de la fonction digestive. Le régime alimentaire influence aussi bien les comportements anormaux que normaux. De plus, l’état émotionnel et corporel du cheval est largement influencé par ses conditions de vie.
Il faut se poser la question de comment le processus digestif peut exercer une influence sur le comportement.
- Budget temps du cheval « sauvage » et domestique
Pâturer est une activité prédominante chez le cheval vivant au naturel.
Les données scientifiques actuelles sur la répartition du budget temps nous donnent :
- 55-75% de recherche de nourriture de jour, 49-53% de nuit (Mayes and Duncan, 1986)
- Le budget temps d’alimentation varie aussi en fonction des saisons, et des besoins
Les habitudes alimentaires des chevaux au box sont quant à elles influencées par la nature du régime alimentaire et les pratiques d’écuries.
Une étude a montré que des juments au box nourries au foin à volonté passaient environ 60% de leur temps à manger (Elia et al 2010) soit plus de 14h ce qui est conforme au budget temps du cheval « sauvage ». Par contre Copper et al (2007) a montré que chez des chevaux nourris au grain avec 3 repas de foin , le temps passé à chercher la nourriture chute à 30% sur 24h soit 7h. Les chevaux se reposent plus longtemps en contrepartie.
Il est toutefois difficile de séparer les conséquences sur le comportement du régime alimentaire, mais aussi de la frustration, de l’hébergement, de l'excès de réserves énergétiques ou du manque de stimulation. En 2004 Zeyner a montré que les comportements nerveux et agités étaient associés aux chevaux qui avaient la plus faible ingestion de fourrage. De plus, dans cette étude, la quantité totale de calories ingérées était la plus basse chez ceux qui avaient le moins de fourrage, ce qui a conditionné la faim et impacté négativement le comportement.
- Stéréotypies orales et régime alimentaire
Les comportements comme la coprophagie, le grignotage du bois, et de la litière sont souvent considérés comme des comportements aberrants mais reflètent simplement la motivation de se nourrir entre les repas ou le besoin de contrôler le glucose sanguin. Ces comportements diminuent dès lors que la part de fourrages distribués augmente.
Le tic à l’air, tic à l’appui, pica, grignotage du bois sont des stéréotypies dont le déclenchement peut être associé avec les pratiques de nourrissage.
Les stéréotypies locomotrices sont quant à elle liées à de la frustration de l'anticipation et des environnements aversifs.
Les stéréotypies n’ont jamais été reportées dans des études sur les chevaux féraux. Cependant, des chevaux de Przewalski gardés en captivité en ont développé, ce qui suggère que les pratiques domestiques de management des chevaux impactent le comportement.
? Quel est l’intérêt économique, éthique et technique de conserver des régimes alimentaires ulcérogènes ? à part d’alimenter tout un système…
? Quand est-ce que les gens se formeront réellement au mal-être et à la douleur pour mieux comprendre leurs équidés ?
? N’est-il pas de notre devoir de se mettre 5 minutes à la place de ce que vit notre équidé les 23h autres heures qu’il passe sans nous ?
➡️combien faudra t’il encore d’études scientifiques pour que la filière cheval comprenne qu’un athlète (et un shetland dans un club c’est un athlète !) ne peut performer sans bien-être physique et mental et que Ô surprise, ce bien-être peut être amélioré de manière fulgurante en s’emparant du sujet qui l’occupe 60% du temps : l’alimentation.
PARTIE 3
- Processus digestif et liens avec le comportement
- Système digestif antérieur
Après l'ingestion d'un repas copieux, la proportion plus élevée de matière sèche dans le contenu de l'estomac ralentit le mélange des aliments et du suc gastrique, ce qui entraîne une possible fermentation dans l'estomac (Harris et al, 2006).
Les chevaux féraux ont historiquement toujours mangé les céréales sauvages qu'ils rencontraient. L’ingestion de céréales n'est donc pas un phénomène surnaturel imputable à la vie moderne. Le cheval possède l’enzyme amylase qui permet de digérer l’amidon (d’ailleurs les graminées et les légumineuses contiennent de l’amidon). C'est surtout l'impact de la proportion des céréales dans le régime alimentaire qui a induit une baisse du temps passé à mâcher et qui a entraîné des problèmes de comportement.
45000 coups de mâchoires/jour pour un cheval au foin à volonté contre 10000 maximum pour un cheval recevant des concentrés avec foin limité. Cela exacerbe les problèmes en réduisant l’opportunité de mélanger la nourriture avec la salive. De même le pH fécal est plus bas chez les chevaux nourris aux concentrés comparé à ceux qui ont accès à du foin à volonté (Elia et al 2010).
Avec des ingestions d’amidon de plus de 2 gr/kg poids/jour ou 1 g/kg de poids/repas il y a des risques de développement d’ulcères gastriques (Luthersson et al, 2009)
- Système digestif postérieur
D’intenses épisodes d’hydrolyse de carbohydrates accentue les fermentations dans le gros intestin et fait chuter le pH dans le caecum (Willard et al 197) et les crottins. Pour conforter cela, une étude sur des chevaux de course en Nouvelle Zelande a montré que distribuer plus de 4 kg de céréales (orge)/jour était un facteur de risque de pH bas dans les crottins (Williamson et al 207).
Tinker et al (1997) rapporte un risque de coliques accru avec plus de 2.5 kg de céréales/jour.
L’inconfort provoqué par cet excès d’amidon qui fermente dans le gros intestin a été associé avec une augmentation de l’anxiété et des comportements agressifs chez le rat (Hanstock et al 2004) ainsi que des comportements oraux indésirables (ingestion de litière et de bois) chez le cheval.
- Preuves supplémentaires liant la stéréotypie à la digestion et aux facteurs de confusion potentiels
Il y a une association temporelle entre le fait de tiquer et la distribution des repas. Pour les chevaux nourris 1 fois/jour, la fréquence de tics augmente énormément juste après le repas et atteint un pic 4 à 8h après distribution (Clegg et al 2008). Ceci est cohérent avec la nécessité d’essayer de tamponner l’acidité de l’estomac. Tiquer augmente la quantité de salive produite.
Cooper et al (205) a montré que fractionner les repas en petites parts permettait de diminuer la fréquence de tics. Mais, là où il est difficile de différencier forme d’apport et comportement, il a aussi montré que la fréquence de tics a augmenté chez les chevaux qui ne faisaient pas partie de l’étude et qui assistaient aux nombreux repas des autres chevaux. D’un autre côté le fait de tiquer semble être une réponse de contexte car Gilham et al (1977) a montré que les chevaux tiquaient peu importe le type de nourriture distribué : granulé de luzerne, aliment faible en amidon, fort en protéines…
BIAIS : il est prouvé que les pur sang et chevaux à sang chaud tiquent plus que les autres races, sauf qu’en général ces races sont utilisées dans des conditions qui altèrent leur comportement. Qui de l’œuf ou la poule…
- Effets des régimes à base d’hydrates de carbone, de fibres et d’huile sur le comportement
Les problèmes engendrés par la digestion des hydrates de carbone pourraient dans l’idéal être évités en copiant le comportement alimentaire du cheval féral : pâturage ou fourrage à volonté. Cela marche dans la plupart des cas, sauf pour les chevaux de haut niveau.
Le remplacement d’une partie de l’amidon par un mélange de fibres et de matières grasses permet de minimiser les variations de glycémie et d’insulinémie (Williams et al 2001).
Chez l’homme, un petit déjeuner avec un index glycémique plus bas a montré une augmentation des capacités d’attention chez l’enfant (Harris et al 2006). Une réponse comparable peut être attendue chez les chevaux.
Le ralentissement de la prise alimentaire et éventuellement des taux de vidange gastrique causé par l'ajout de fibres et d'huile peut diminuer le besoin comportemental de fourrage en prolongeant la satiété ainsi qu'en réduisant potentiellement l'inconfort lié à la fermentation ou à l'acidose.
Zeyner et al : la coprophagie et les comportements agressifs des chevaux nourris avec un haut niveau d’amidon ne sont pas observés si l’amidon est partiellement remplacé par de l’huile.
Holland et al, 1996 : les chevaux nourris avec de l’huile en remplacement d’une partie de l’amidon, montrent une locomotion active moindre et moins de réactivité soudaine à un stimuli visuel. Leur rythme cardiaque a moins augmenté, avec une plus faible variation. Le cortisol dans le sang était aussi significativement plus bas (Redondo et al, 2009)
- Y’a-t-il des preuves scientifiques de changements physiologiques quand on modifie le régime alimentaire ?
Le problème est que Redondo n’a pas su expliquer pour quelles raisons le taux de cortisol était resté plus bas.
Le bien-être animal est un concept complexe et multidimensionnel. Les pratiques alimentaires adoptées pour les chevaux peuvent affecter le bien-être de ces derniers par leurs effets directs sur la santé des animaux ainsi qu’en influençant le comportement du cheval (Lesimple, 2020).
En conséquence, les chevaux sont des animaux de pâturage, adaptés à la consommation de fourrages. Ainsi, un produit à base de fibres le régime alimentaire doit représenter la base de l'alimentation des chevaux, en respectant la nature herbivore in née de ces animaux (Davidson & Harris, 2007). Les fourrages sont riches en glucides structuraux et fournissent au moins 50 à 70 % des besoins énergétiques d'un cheval via le métabolisme d'acides gras volatils (AGV) produits par fermentation bactérienne dans l'intestin postérieur (Merritt & Julliand, 2013). Cependant, en raison des demandes placés sur des chevaux pour des compétitions et/ou des performances productives (i.e. chevaux de sport et chevaux destinés à la production de viande), ils sont souvent nourris avec de grandes quantités d'aliments à haute densité énergétique riches en glucides hydrolysables, tels que l'amidon et les sucres simples (Julliand et al., 2006 ; Raspa, Tarantola, Bergero, Bellino, et al., 2020 ; Râpa, Tarantola, Bergero, Nery, et al., 2020 ; Williamson et al., 2011).
Un nombre d'études concernant la nutrition équine indiquent que l'amidon la consommation devrait être limitée à pas plus de 2 g d'amidon/kg de poids corporel (PC)/repas (Durham, 2009; Geor & Harris, 2007; Julliand et al., 2006). Nourrir les chevaux avec des régimes caractérisés par une teneur élevée en amidon peut affecter négativement leur bien-être, augmentant le risque de troubles gastro-intestinaux tels que coliques et ulcères gastriques (Durham, 2009 ; Hudson et al., 2001). En particulier, lorsqu'il atteint l'intestin postérieur, la forte teneur en amidon d'un régime à base de céréales provoque des altérations du microbiome, entraînant une augmentation de la production d'acide lactique et une baisse du pH avec une acidose subséquente (Geor & Harris, 2007; Merritt & Julliand, 2013). On rapporte que l'acidose cause de graves dommages au l'épithélium intestinal, entraînant une hyperperméabilité - également appelée « LEAKY GUT » (Stewart et al., 2017). Les altérations de la perméabilité intestinale peuvent également conduire à la translocation des bactéries entériques et/ou de leur produits de la lumière intestinale dans les ganglions lymphatiques mésentériques et la circulation portale (Davis et al., 2003 ; Stewart et al., 2017), avec le potentiel de conséquences systémiques. Un apport élevé en céréales a également été associée à plusieurs troubles musculaires, tels que rhabdomyolyse d'effort et myopathie de stockage des polysaccharides (PSSM), résultant d'un stockage excessif de glycogène dans le muscle (MacLeay et al., 1999; Valberg et al., 1999). De plus, l'ingestion de quantités excessives de glucides rapidement fermentescibles a été associée à l'état de stress oxydatif chez les chevaux, et des biomarqueurs du stress oxydatif ont été proposés comme indicateurs du bien-être animal (Celi & Gabai, 2015).
Sur cette base, compte tenu du fait que la nutrition peut avoir un impact à la fois sur la santé et le bien-être des animaux, le but de la présente étude était de comparer les effets de deux régimes alimentaires différents—riche en céréales grains vs haute teneur en fibres—sur la production et les paramètres métaboliques. Pour ces raisons, la contamination microbiologique des ganglions lymphatiques mésentériques et du foie en tant qu'indicateurs potentiels d'altération de la perméabilité intestinale a été étudiée par deux chercheurs en microbiologie. critères (nombre total de bactéries aérobies mésophiles [TMABc] et nombre d'entérobactéries) et testé pour la présence de bactéries pathogènes (Salmonella spp. et Escherichia coli). Enfin, les chevaux ont été étudiés pour le statut oxydatif au moyen de enzymes antioxydantes et produits finaux d'oxydation déterminés dans différents fluides et tissus biologiques.
De plus, un point supplémentaire dont nous devrions tenir compte est qu'une alimentation riche en céréales peut provoquer une réponse glycémique élevée, entraînant une réactivité accrue comportements (Bulmer et al., 2015 ; Hothersall & Nicol, 2009).
La présente étude montre que nourrir les chevaux avec de grandes quantités de céréales réelles est un gaspillage d'un point de vue économique et nocif d'un point de vue du bien-être. En effet, les quantités élevées de grains céréaliers dans le régime alimentaire n'a entraîné aucune différence dans le gain de poids corporel quotidien ou avec un effet positif sur les caractéristiques musculaires. Au lieu de cela, nos résultats soutiennent l'idée que nourrir les chevaux avec de grandes quantités de céréales les céréales peuvent entraîner une augmentation de la perméabilité intestinale.
Nous avons également montré que l'alimentation affecte les concentrations de GPx, CAT et SOD ; bien que le plasma, les muscles et le foie aient été caractérisés par différences distinctes. Nous espérons que ce travail encouragera de nouvelles recherches scientifiques pour améliorer les pratiques d'alimentation utilisées dans les élevages de chevaux. afin de préserver le bien-être des chevaux élevés pour la viande et encourager une éducation adéquate des agriculteurs.
- Régulation de la glycémie et du système sérotoninergique
- Impact des compléments alimentaires sur le comportement
- Enrichissement alimentaire
AVANT/APRES Marmotte
AVANT/APRES Mayko
AVANT/APRES With me
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